jeudi 11 juin 2020

La mémoire de ma génération

Je suis une mémoire. Je connais la France depuis 48 ans. J'ai en moi un modèle de vie à la fois particulier et partagé par de nombreuses personnes de mon âge. Mes parents nous ont élevés mon frère et moi sans divorcer, ils ont travaillé à La Poste en gravissant des échelons, ils ont acheté une maison très modeste assez tardivement. Ils sont restés prudents et ils ont fait de leur mieux. Mon frère et moi avons pu faire des études, et nos parents nous ont accompagnés comme ils ont pu, à la vue de nos particularités respectives. Nous avons d'abord vécu en région parisienne puis nous nous sommes rendus en Savoie, plus proche de la famille paternelle. La France a permis à mon père de devenir plus important en grade dans sa fonction; nous avons pu nous soigner, nous loger, aller à l'école, partir parfois en vacances dans la famille. Nous avons vécu, nous avons consommé, participé, contribué.

J'ai connu le nuage de Tchernobyl, l'accident de Fukushima, des attentats, à la rédaction de Charlie Hebdo, dans les cafés parisiens et au Bataclan, la guerre du Golfe, la destruction des tours jumelles de New-York. J'ai connu le Franc puis l'Euro. J'ai connu le téléphone fixe à 8 chiffres. J'ai connu le poste de télévision à trois chaînes.

J'ai regardé la plupart des émissions de télévision depuis mon plus jeune âge. Des émissions jeunesse aux clips vidéos, des émissions de variétés hebdomadaires aux débats politiques. J'ai des réflexes, des repères. Je connais les acteurs, les musiciens, les écrivains, les scientifiques, les influenceurs de tous bord, les publicitaires, les hommes d'affaires, les politiques, ... Je connais les humoristes, les chansonniers, et les critiques d'art, les galeristes et les collectionneurs.
Je vis dans un monde d'idées. Je les ai traversées sans m'en rendre compte. Maintenant je commence à les décrypter. J'en mesure les conséquences sur mes choix de vie. J'ai consommé, j'ai copié, je me suis laissée tenter.

Je suis une mémoire comme une autre. Une mémoire de ma génération.
Lorsque je disparaitrais, il y aura encore moins de personne qui pourront en dire autant. Je garde en mémoire la présence et les paroles de mes grands-parents, de mes parents, et quand je ne serai plus, c'est aussi cette mémoire qui s'en ira. La mémoire de ces instants, de ces constructions, la mémoire des personnes ne fait que s'éteindre. Minute après minute. Le présent est le passé.

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