Le fil

 Pourquoi je respire, pourquoi j'étouffe?  L'air des autres est contaminé. Les gouttelettes retombent par terre mais les respirations se sont mélangées. Qui sait si mes narines n'ont pas aspiré les éléments nocifs?

Lorsque je parle, je m'agite, je fais des liens entre mon corps tout gonflé, mon désir d'exister, et mes ratages, mes contraintes plus ou moins volontaires.  Je suis seule avec mes envies. J'ai mis le fait de l'art au dessus de tout, au dessus des corps. C'est mon sacré, mon absolu. Je suis cependant dérisoire.

Je n'aime pas être une femme. Selon moi, une femme est un être faible, névrosé, pénible, inintéressant, c'est le maillon faible. L'homme est du côté de l'intellect, de la force vitale et du faire. C'est une conception du monde qui me met en colère mais je me sens condamnée. Être artiste et femme n'est pas très compatible. Je suis née femme pourtant  et ce corps gonflé justement est comme une protection ; malheureusement une protection qui se révèle être une entrave évidente à la construction, à la fabrication et à la réalisation.

Je suis recluse. J'ai tenu loin de moi mes semblables. Je développe des maladies de la peau, un champignon qui me grignote. Je me suis exclue. Je vais me pétrifier.

La course folle

 Comme c'est cruel, se forger un esprit critique tout au long de sa vie, se former, s'améliorer; se connaitre, s'essayer, se conforter ou se conformer, aimer la vie pour les rencontres et les expériences et puis finalement...  pourquoi naître et puis disparaitre?  Être un enfant avec ces liens étranges à nos parents, les aimer ou lutter contre, finalement peu importe, il faut faire avec... ils nous construisent malgré nous et puis ensuite on rattrape comme on peut, on adapte selon son environnement. On grandit et très vite on vieillit. c'est déjà la fin de le course. Porter ou non des bagages, pour alléger ou alourdir la course, la ralentir peut-être... je ne viens de rien et je repars vers rien. J'ai ouvert les yeux puis je les referme, comme avant ma naissance. La nuit, le vide de mon point de vue. Le monde continuera sans moi comme il a commencé. Pourquoi avoir conscience de cela?  Pourquoi avoir cette capacité de conscience? Elle n'apporte que de la tristesse. Nous n'en faisons rien : on se drogue, on s'illusionne, on veut croire..;  Je suis un animal, j'appartiens à une espèce qui vit sur terre depuis quelques temps déjà  peut-être va-t-elle disparaitre d'ailleurs et il n'y en aura aucune trace quand notre planète ne sera plus.

Je pense à la façon dont je vais vivre mes derniers temps: seule avec le minimum vieillesse, j'aurai une maladie invalidante et il n'y aura personne vraiment autour de moi. Mes créations et mes livres seront sous la poussière prêts à brûler après ma disparition. Pour l'instant je suis enseignante fonctionnaire mais je risque de démissionner ou d'être en abandon de poste à cause de ma réaction face au virus de 2020. Je suis en obésité et potentiellement vulnérable et susceptible de faire une forme grave de covid-19. Je sors de chez moi une fois par semaine pour croiser personne. Je ne sais pas la suite.

D'ordinaire j'aime bien rester chez moi ou rester seule pour faire à ma façon selon mes horaires. Je suis attentive aux détails aux sensations aux sentiments; J'écoute de la musique je regarde des films, je m'imprègne d'images et de sons. Je cherche les liens. Le lien entre les personnes, le lien entre les idées, le lien entre les objets... j'ai repris les séances de psychothérapie. J'écris sur ce blog, j'essaie de dessiner mes idées et ce dont j'ai rêvé la nuit dernière. Je suis dans mon imagination. Je me souviens puis je me projette. dans ma tête je passe d'une idée à l'autre,  je m'envahie de pensées. Des choses inutiles. Des idées non utilisées, gâchées. Des idées qui ne servent pas. Pas même moi. Je me refais mon histoire. Je me regarde en train de regarder.

Regardeuse

 Quand j'y pense c'est comme un vertige... je me suis rendue dans de nombreuses expositions. Bien sur cela reste modeste et est en relation avec mon pouvoir d'achat... mais je suis satisfaite d'avoir pu voir, d'avoir pu profiter, d'avoir pu expérimenter. Le Magasin, L'IAC, La Maison Rouge, Le Palais de Tokyo, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, les galeries de Milan, de Berlin, les Biennales de Lyon, de Venise..., ... J'ai vu des oeuvres, j'ai parcouru des lieux. Lorsque je parle aux élèves parfois je leur dit ce que j'ai vu réellement en face de moi dans les conditions voulues de l'artiste. C'est ma probité. Une passion. Une vie.

Je dessinais sur mes cahiers, puis sur les tables du lycée. Je suis allée vers mes 10 ans un samedi après-midi au centre culturel atelier BD de Bassens pour dessiner Lucky Luke. Je me rendais chaque année au festival de BD de Chambéry. J'ai fais partie du club journal du Collège, avec la prof de dessin; On faisait aussi un roman photo chez elle, j'ai même peint un décor sur la porte de la classe de dessin. J'ai juste réussi à profiter de l'option dessin au Lycée et les points de cette option ont compté pour avoir une mention au bac. J'ai toujours eu un oeil sur le dessin, tout en restant assez 'plouc', c'est à dire peu cultivée, très naïve et mainstream. Lorsque j'ai émis l'envie de rejoindre une école d'art  j'ai du convaincre... Quelle maladresse...

Je me souviendrais toujours d'avoir pris ma chance alors que je sentais que j'étais en train de rater mon oral parce que timorée face aux membres du jury des Beaux arts de Lyon, j'ai rebondi .. après un silence où je voyais m'éloigner mon rêve, j'ai repris la parole avec force, en disant que je n'avais pas fini de parler et que j'étais hyper motivée..; mon dossier personnel était maladroit certes et je ne savais pas quelles étaient mes notes et appréciations sur les épreuves déjà passées mais je demandais ma chance... n'ayant pas eu la possibilité de côtoyer un milieu culturel avant ça..;  j'ai du gravir une marche toute seule... on m'a laissé passer.

Ces années aux Beaux-Arts sont les meilleures de ma vie. Je suis fière de cet apprentissage, heureuse du parcours et des personnes rencontrées.

https://autoportraitcmartinet.blogspot.com/

Une famille avec mémoire

Je suis née le 12 Avril 1972, à Chevreuse dans les Yvelines. Je suis arrivée six ans et demi après mon frère. Mes parents étaient tous deux fonctionnaires de La Poste. Pour mes premières années, j'ai grandi dans le nouvel ensemble de l'Abbaye à Gif-sur-Yvette. Nous sommes arrivés dans les premiers pour vivre dans ce nouveau quartier. Je me souviens du goudron, des peupliers, de la statue de pierre d'une femme nue sur la petite ile du parc du centre ville. Je me souviens de promenades pour aller rejoindre une parcelle de jardin que nous cultivions, lorsque nous croisions le chantier d'une maison hors normes sur pilotis. Je me souviens des coquelicots. Je me souviens de la ligne du train qui passait derrière notre immeuble, je me souviens de la vue de la chambre sur le chemin qui menait à mon école. Nous sommes restés à Gif sur Yvette jusqu'en 1978... puis nous avons passé une année à Évry, et enfin nous sommes arrivés en Savoie.

Mon père est issu d'une famille de Savoie, j'ai connu ma grand-mère, femme au foyer, mais je n'ai pas connu mon grand-père, mort à quelques mois de ma naissance, qui travaillait à l'usine de carton. Dans cette famille, il n'y pas de manifestation apparente de tendresse. Dans cette famille il est important d'avoir des biens matériels, d'avoir de quoi survivre. Les frères et soeurs de mon père ont voulu réussir, ils sont tous rentrés à La Poste, sauf une qui s'est mariée. Ils ont tous voulu échapper à leur condition un peu rurale. Ils ont tous travaillé pour obtenir un lieu de vie à eux et fonder une famille. L'ascension sociale prévue par l'administration française.

Ma mère est issue d'une famille du Lot et Garonne, j'ai connu mes deux grands-parents, ma grand-mère, femme au foyer, et mon grand-père ancien gendarme puis conseiller-assureur à son compte. Dans cette famille, l'on a aussi des principes, simples, soumis à l'autorité verticale. Mon grand-père n'était pas fidèle mais cela était sous silence. L'on ne communique pas trop dans cette famille, on n'exprime pas trop de tendresse non plus.

Dans ces deux familles, on se réunit à table. La nourriture joue un rôle important dans les deux cas mais pour deux raisons différentes et une forme de respect pour des choses traditionnelles est active.
Les identités féminines et masculines ont des rôles très précis, les anciens et les jeunes aussi. Ce sont des familles. Chez mon père on est plus pauvre à la base et on se débrouille. Chez ma mère on a un accès plus facile à la vie sociale et des principes et discussions plus éclairés.

La mémoire de ma génération

Je suis une mémoire. Je connais la France depuis 48 ans. J'ai en moi un modèle de vie à la fois particulier et partagé par de nombreuses personnes de mon âge. Mes parents nous ont élevés mon frère et moi sans divorcer, ils ont travaillé à La Poste en gravissant des échelons, ils ont acheté une maison très modeste assez tardivement. Ils sont restés prudents et ils ont fait de leur mieux. Mon frère et moi avons pu faire des études, et nos parents nous ont accompagnés comme ils ont pu, à la vue de nos particularités respectives. Nous avons d'abord vécu en région parisienne puis nous nous sommes rendus en Savoie, plus proche de la famille paternelle. La France a permis à mon père de devenir plus important en grade dans sa fonction; nous avons pu nous soigner, nous loger, aller à l'école, partir parfois en vacances dans la famille. Nous avons vécu, nous avons consommé, participé, contribué.

J'ai connu le nuage de Tchernobyl, l'accident de Fukushima, des attentats, à la rédaction de Charlie Hebdo, dans les cafés parisiens et au Bataclan, la guerre du Golfe, la destruction des tours jumelles de New-York. J'ai connu le Franc puis l'Euro. J'ai connu le téléphone fixe à 8 chiffres. J'ai connu le poste de télévision à trois chaînes.

J'ai regardé la plupart des émissions de télévision depuis mon plus jeune âge. Des émissions jeunesse aux clips vidéos, des émissions de variétés hebdomadaires aux débats politiques. J'ai des réflexes, des repères. Je connais les acteurs, les musiciens, les écrivains, les scientifiques, les influenceurs de tous bord, les publicitaires, les hommes d'affaires, les politiques, ... Je connais les humoristes, les chansonniers, et les critiques d'art, les galeristes et les collectionneurs.
Je vis dans un monde d'idées. Je les ai traversées sans m'en rendre compte. Maintenant je commence à les décrypter. J'en mesure les conséquences sur mes choix de vie. J'ai consommé, j'ai copié, je me suis laissée tenter.

Je suis une mémoire comme une autre. Une mémoire de ma génération.
Lorsque je disparaitrais, il y aura encore moins de personne qui pourront en dire autant. Je garde en mémoire la présence et les paroles de mes grands-parents, de mes parents, et quand je ne serai plus, c'est aussi cette mémoire qui s'en ira. La mémoire de ces instants, de ces constructions, la mémoire des personnes ne fait que s'éteindre. Minute après minute. Le présent est le passé.

Mardi 17 Mars

J’ai rêvé que j’avais des plantes dans mes seins.

Comme j’ai un bouton grossissant dans le pli du sein gauche, j’ai exploré une nouvelle forme de mon physique : j’avais des tiges / branches de plantes vertes plantées dans le sein et j’arrivai à un retirer une, elle était très longue… Puis j’avais des excroissances plates et vertes foncées qui faisaient des contours ondulant, qui étaient au bout des seins… et je me demandais si j’étais normale vis à vis des autres femmes, trouvant bizarre d’avoir ça depuis toujours..; Ça devait se voir sous les pulls ces formes bizarres et, comment tenir ça dans un soutien gorge?

Puis je regarde encore mes tétons et là je vois que j’ai, non pas deux excroissances de seins (?) sur le téton, comme des pis de vache, mais trois …

Je me dis dans le rêve que j’ai un physique vraiment trop bizarre.

Aujourd’hui, nous connaissons notre premier temps de confinement national. J’ai terminé mon dernier remplacement au Collège de Bi. le 31 janvier, et jusqu’aux vacances de Février, je suis restée chez moi les jours de semaine pour guetter un mail du rectorat. Pendant les vacances Ch étant malade, je n’ai rien fait de particulier et n’ai vu encore personne, à part un tout petit peu ma mère je pense. Je suis restée chez moi, voulant préparer l’agrégation dans l’éventualité d’un oral à Pa. C’est seulement le mercredi 11 Mars que le chef de Go. m’appelle. Le jeudi, je me rend à la formation au Lycée de Mo. et vendredi je signe mon pv d’installation au Collège de Go. Je n’ai serré aucune main mais j’ai du toucher des objets communs dans les deux lieux. Jeudi en plus, nous sommes allés prendre un café dans le foyer des élèves mais nous n’étions que 7, les 7 de la formation, et on ne s’est pas touché. J’ai effectué des courses dans plusieurs magasins comme Le., les Ha Sa et La Vi Cl, plus l’In à Sa La du Po après la formation. Je préparais déjà un petit stockage de mes denrées alimentaires. Dimanche, je ne suis pas allée voter. Et lundi 16 j’ai amené à l’arrière de ma voiture ma mère à la Vi Cl. Donc nous avons potentiellement touché des produits emballés des rayons. Même s’il y avait des clients à la caisse il y avait de la distance et la caissière a mis du gel sur le clavier CB comme ça faisait trop cher pour le sans contact. Ma mère étant déjà dans l’idée de la distance sociale depuis un moment, j’espère n’avoir pas eu une mauvaise idée. Mais il faudra bien retourner chercher des aliments en magasin… se faire livrer c’est un peu la même chose, il y toujours des personnes qui touchent les emballages. La prochaine fois il faut mettre des gants et faire attention à se laver les mains après chaque contact avec un emballage. Il faudrait faire ça… pas facile..; Il faudrait avec les gants enlever tous les emballages… ou alors apporter son contenant et prendre en vrac…. Je le réfléchis en même temps que je l’écrit…. Nous ne devons absolument pas être contaminées ma mère et moi. J’ai appelé hier mon frère qui a été philosophe et rassurant. Et j’ai dit ce matin à Ch que je dois préparer mon appartement si je dois d’urgence aller à l’hôpital. Aller à l’hôpital c’est peut-être ne plus revenir. Je veux que mon frère, Ch , Fr , Mi , Va , Fl , J-L , J-C , Jé , Th , Al , Pa , St et Sé, ne soient pas contaminés. Ni eux ni leur famille. Ni tous ceux que je connais. Si je dois mourir parce que je suis obèse morbide, on dira que c’était un peu attendu et puis comme je n’ai pas d’enfant que c’est moins grave. Je vais écrire tous les jours,  j’enregistrerai ou imprimerai si je peux, si je vais à l’hôpital. Il me faudra écrire correctement mes dernières volontés, attribuer des objets, des livres et des messages à certaines personnes. Beaucoup d’affaires dans cet appartement! J’espère qu’elles ne seront pas toutes jetées...

Mercredi 18 Mars

Je suis chiante me dit Ch. Il a raison.

Jeudi 19 Mars

Je guette l’air de rien, tous les signes que me donnent mon corps, une sensation, une gène, une petite douleur? Chaque jour est un jour gagnant, un jour de plus. Heureusement je me suis complètement oubliée quand j’ai travaillé pour les élèves du Collège. Lorsque j’ai eu Fl au téléphone, elle m’a encore bluffée avec tout son travail accompli, sa conscience professionnelle exacerbée et son envie de faire passer du contenu exigeant. J’ai l’air d’une touriste à côté! Bref j’ai culpabilisé alors j’ai fait un nouveau document et j’ai repris pour mon compte des idées.

J’ai donc pu me concentrer sur mon travail et ça me fait du bien.

Vendredi 20 Mars

Je me sens concernée par ce virus. Je tente de me rassurer puis j’y pense. Étrangement j’ai l’impression que quasi personne n’est atteint ici … mais le temps d’incubation est long…. Je suis là, sans symptôme et si cela se trouve dans deux semaines je suis en réanimation…. Je tente de me projeter ….

Samedi 21 Mars

Mourir seule, dans une épidémie, dans un flux.. être parmi les chiffres du bilan. Être hospitalisée, seule donc, sans personne de son entourage, ne pas dire adieu, être enterrée ou brûlée comme dans une fosse commune… personne à ton enterrement. Bon une fois morte, je n’en saurai rien, certes… être hospitalisée seule en sachant que ma mère est hospitalisée seule et que mon frère est hospitalisé seul… On peut évoquer toute la série de ces choses les plus tristes…. Je me projette : où serai-je dans 10 jours? Dans trois semaines? … Est-ce que je vais passer le jour de mon anniversaire de naissance? L’année dernière pour l’anesthésie générale à Médipôle je ne voulais pas parce qu’il était encore 2019…. Là c’est 2020 c’est mieux… De plus, j’ai vu Star Wars  (c’était pas terrible, sauf Adam Driver) j’ai passé l’agrégation (et je l’ai raté de trois points)… déjà ça de passé ; J’aimerai tant voir le film Annette et The Last Duel… et connaitre la suite de la carrière d’Adam Driver. Je voudrai éditer mon troisième livret (qui est quasi prêt).

Ma mère comprend qu’elle ne sera pas prioritaire pour être soignée. De plus le traitement à la chloroquine lui est interdit à cause des médicaments qu’elle prend pour sa Myasthénie.

Je n’ai pas envie qu’il nous arrive malheur.

Se dire qu’il faut accepter, Fr me disait qu’on allait tous l’avoir et que l’on verra si on passe au travers ou pas … Il croit en la possibilité de la chloroquine par exemple. Je ne sais pas s’il s’est fait une fausse ordonnance comme il avait les dosages. Il se dit qu’il a des douleurs qui sont présentent depuis des années, qu’il ne se sent pas tant en bonne santé. Comme mon frère qui n’exprime pas de peur ni de crainte. Bien sûr avoir peur ne nous guérira pas. Avoir peur pour moi, m’oblige à prendre des précautions. Je n’ai pas été extrême lorsque j’ai fais des courses et je ne suis pas sûre de ne pas avoir touché mon visage avant de me laver les mains..; j’ai touché les emballages venus de l’extérieur ou susceptibles d’avoir été touchés par d’autres. Mais je vais essayer de me fixer les règles complètes.

Une étude sans vérification de source et de condition parle des groupes sanguins évoquant les anticorps des groupe 0 qui fait que l’on est moins susceptible d’être contaminé par les autres groupes A et B…  Si seulement … C’est tellement « facile » et tentant de croire que l’on serait protégé par notre naissance… C’est la loterie! Comme nous n’avons pas accès à une étude complète du virus et de ses effets, nous ne savons rien. On découvrira peut-être plus tard.

Aujourd’hui je suis passée par pleins d’émotions, j’ai pleuré pour ma mère; j’ai pensé à son parcours puis à mes grands parents, j’ai pensé à notre réalité puis j’ai pensé à moi .. et j’ai repensé à ma mère. J’ai eu envie de communiquer avec Va et rire,  avec Ma Du, connue au Lycée Va, rencontrée à La Vi Cl par hasard, qui m’a envoyé un mail comme prévu il y trois semaines, avec Co ma collègue de professeur principal à Bi qui m’envoie gentiment un sms… J’ai reparlé récemment avec J-C, Jé, Fl  mais aussi J-L, Al, Mi et Va donc. J’ai eu des interactions sur Fa, puis avec Ch aussi et d’autres personnes du réseaux … On est tous bizarres, on a envie de parler, d’avoir de l’amitié, … notre solitude humaine… être seule et accompagnée à la fois.

Dimanche 22 Mars

Je pense que je fais partie des personnes qui seront éliminées car je suis une femme obèse sans enfant de presque 48 ans j’ai fait mon temps et même si j’apporte mon regard ou mon enseignement je ralentirai le groupe..; Un corps humain défaillant qui demande un apport en provision trop important, qui n’a pas enfanté.. dans la jungle je suis un poids, pour l’espèce humaine primaire je suis une déviante.

Ce matin j’ai mes règles, déjà ça va mieux car dans la deuxième partie de mon cycle j’ai toujours soit des boutons soit des douleurs, etc…je me concentre sur mes sensations corporelles.

Si je ne m’en sors pas c’est que mon corps était un peu foutu…plus que je ne pensais…

Lundi 23 Mars

Je suis sortie à midi et demi pour aller à La Vi Cl puis au Le Drive, j’ai déposé des sacs (mais malheureusement j’ai du les remanier) chez ma mère puis chez moi. C’était un peu compliqué avec les gants / pas gants.. Je ne suis pas certaine d’avoir fait ça correctement comme je n’ai pas de masque…. En arrivant chez moi, j’ai déposé dans le couloir les sacs et mes vêtements et je suis allée me laver complètement. J’ai lavé les emballages des produits frais, mis au frigo, laissé les autres conserves et autres, puis je me suis lavée bien bien bien bien les mains.

Stressant….

Un peu de vent en attendant au Le Drive, les produits de la Vi Cl sont touchés pas la vendeuse…

Stressant…

Soir = Le traitement du docteur Raoult est attribué aux malades sévères en hôpital

Mardi 24 Mars

Mercredi 25 Mars

J’ai énormément de pensées qui traversent mon esprit, des souvenirs, des projets, des envies et toujours une sorte de bilan…

Il y a 6 ans je débutais à Go et je suis actuellement à Go.

J’ai enseigné dans le lycée et le collège de mon adolescence, j’ai fait le tour de mes projections = un jour j’enseignerai à Va, fait; un jour j’enseignerai à Bi, fait!

Avec Fr, j’ai revisité mes souvenirs avec lui, il n’avait pas les mêmes forcément. Lorsqu’il est plus enivré il dévoile des envies; c’est vrai que je suis un peu nostalgique de ce que l’on avait partagé, que ce soit en visites à Pa et en randonnées vers Gr.

Avec Ch j’essaie d’écouter et d’échanger.  En espérant se revoir après tout ça.

J’ai eu quelques échanges et messages avec des connaissances et des amis. Nous sommes tous un peu inquiets et on a envie de parler je pense… Je me rend compte que j’ai laissé du temps passer et que je n’ai pas toujours accordé du temps pour prendre plus des nouvelles des gens que j’apprécie. 

Nous sommes dans la deuxième semaine, je pense que nous en avons encore 4 à faire..; sinon plussss…

Jeudi 26 Mars

Vers midi j’ai eu l’impression d’avoir un petit accès de fièvre, au lieu de 36, 3 ou 36,6 comme d’habitude j’ai eu 36,9 et même 37… j’ai toussé.

Et puis depuis plusieurs jours presque une semaine j’ai cette sensation sous l’omoplate gauche qui me vient quand je suis assise devant l’ordi, c’est comme une mini gène, un gazouillis un tremblement sous la peau..;

Comme cela est nouveau je me dis que ce sont des symptômes…

J’imagine que j’ai du stress aussi…

Je dois tout préparer si je meurs

Ah oui j’ai l’impression d’avoir les oreilles un peu prises, et les glandes salivaires aussi.

J’ai ce bouton sous le sein qui a épaissi la semaine dernière comme ça sans raison apparente, et comme si aussi le ganglion du cou gauche s’irritait.

Ça y est j’ai un petit frisson, … léger

Je viens de m’habiller,  de me laver un peu …

Je mets un truc sur Fa, deux copines me rassurent.

 Fr m’appelle

 Et Ch m’envoie un sms sans avoir lu mon truc..;

Vendredi 27 Mars

Hier soir je pense que j’ai fais une montée de tension artérielle…  Je suis inquiète et spasmophile.

Je ne mange plus comme avant, j’arrive pas à me concentrer sur mon environnement.

J’ai discuté sur Mess Fa avec Mass de Me il est foutraque il est « autre » je reviens à moi du coup … j’ai ensuite reçu un soutien de Ch S  et puis de Ju 

Ensuite j’ai regardé des vidéos avec Adam Driver, je me suis couchée vers 1h du mat

Et j’ai dormi

Aujourd’hui je discute avec ma mère j’essaie de m’occuper, passer l’aspirateur,…mais j’ai toujours un poil de tension

Fr vient de me dire qu’il part à Ma se faire tester, il pense couver un truc.

Du coup j’ai encore l’angoisse.

J’ai mangé une orange et je vais manger un steak de dinde

J’ai l’impression d’une sorte d’oppression légère

Il est revenu après un test. Il attend le résultat

Samedi 28 Mars

Bon Il faut que je prenne en main ma santé mentale! Je ne dois pas céder au stress, je dois arrêter de regarder les actualités et les posts des réseaux sociaux. Je dois me tranquilliser. J’ai pris les précautions que je savais.  Autour de moi j’ai des objets que j’aime et des gens que j’aime que je peux appeler. Il faut laisser le temps se dérouler et patienter.


L’état Français ne nous protège pas. J’attends que les résultats positifs du professeur Raoult soient validés et qu’ils fabriquent en masse le traitement et que tous les hôpitaux le pratiquent. Déjà ça, ça tranquilliserait.

Il faut attendre.

1. PLAQUENIL : 200 mg matin, midi et soir pendant 10 jours.

2. AZYTHROMYCINE : 250 mg, 1 cp matin et soir le premier jour puis 1 cp le matin pendant 5 jours.

Dimanche 29 Mars

Une heure de moins au réveil.

J’ai fais ma teinture de cheveux et pris une bonne douche

Cette nuit vers 4h j’ai eu un peu chaud… j’ai ouvert un petit peu quelques instants la fenêtre de la cuisine..;  j’ai ouvert aussi le salon cinq minutes sur les conseils de ma mère, sans rester devant, pour avoir un renouvellement d’air… mais j’ai vu ma voisine hier sortir ses draps sur le rebord de sa fenêtre pour le mettre au soleil, côté cuisine pour moi aussi et j’ai entendu aussi une sorte de soufflerie qui avait l’air de venir de l’appart du haut? Un aspirateur?

Je ne sais pas ce que font mes voisins c’est triste mais je ne les connais pas bien. Il y a cette femme sympa et bavarde italienne en face. Mais je n’ai pas pris de ses nouvelles. Il y a plusieurs mois en arrière elle était accompagnée par ses enfants et m’avait dit qu’elle avait eut un truc au coeur et qu’elle était inquiète. Je n’ai pas demandé de ses nouvelles, je ne lui ai pas reparlé.

Lundi 30 Mars

Je ne dois plus sortir et je dois tenir mentalement.

J’ai rêvé que je dormais avec d’autres personnes comme dans un dortoir et que Th Re était là. Il essayait de me toucher, les pieds les bras il voulait se rapprocher de moi c’était doux. Et puis finalement comme nous nous aimions il disait que sa femme étais rendue ailleurs avec un acteur. Et ce n’était plus moi, ce n’était plus lui, nous étions Alexandra Lamy et Mads Mikkelsen!

J’imagine que j’ai pensé à Th comme j’ai parlé hier soir avec Jé Si.

Mardi 31 Mars

Mercredi 1er Avril

Hier j’ai discuté avec An Da, avec Fa longuement… avec Jé, j’ai souri, j’ai fait redescendre ma pression…

J’ai été plus combative, j’ai ensuite commandé au Le Drive et Va va m’aider.

Je n’ai pourtant pas dormi plus ou mieux comme je l’espérais mais je me sens moins nouée…

J’ai travaillé un peu j’ai discuté avec Fr, ma mère… ma pression artérielle est redescendue. 12.7 et 75 battements de coeur

J’aime ma mère

J’aime mon frère

Jeudi 2 Avril

Vendredi 3 Avril

Je vois que je suis moins assidue sur mon journal de bord..;
Va m’a apportée ma commande de Le  ça m’a fait du bien de la voir (de loin, du balcon…)

Samedi 4 Avril

L’espoir est de vivre en Sa, qui est un département peu dense, en nombre d’habitant: la courbe des malades hospitalisés augmente, mais à presque trois semaines de confinement on est un département peu touché… je crois.. je ne sais pas au niveau pourcentage comme justement il y moins d’habitant… mais le taux de malade est peut-être comparable aux autres…

An Da m’a stressée avec le fait que seul le savon de Marseille soit anti virus.. j’en ai pas vraiment..; en tout cas je n’ai pas de véritable savon de Marseille… du coup j’ai tenté un Le Drive et une livraison Mo ….

Par contre c’est évident étant obèse je suis sur la pente descendante  

Vendredi 24 Avril

20 jours plus tard… la situation est toujours identique, le confinement continu et la pandémie continue elle aussi. Je me fais livrer ou bien des collègues amies m’apportent ce dont j’ai besoin.

J’ai mes rituels : réveillée vers 7h, levée un peu avant 8h, j’adresse un ok sms à ma mère et un oui sms à Ch , qui me répondent. Je prépare le petit déjeuner, mon café et j’ouvre les réseaux sociaux. Je téléphone vers 9h à ma mère puis je me prend un dernier café sur le rebord du balcon au soleil. J’en profite pour me laver les pieds et ou les mains, je me masse. Je suis sur les réseaux sociaux. Vers 11h je prend un fruit ou un verre de lait. Passé midi, une heure, je prépare mon repas. Après je regarde un peu la télé  et les réseaux sociaux. Je m’allonge, je fais des mouvements tels des abdos. Je me bouge dans le couloir. Je regarde par la fenêtre les arbres et les oiseaux qui s’amusent. Je vois passer un chat. Je regarde un bout de film. Je fais la vaisselle. Je lave mes mains très très souvent. Je regarde des infos. Le soir vers 19H30 passé je rappelle ma mère. Je regarde l’émission Quotidien sur TMC. Je regarde un film. Ou bien Ch m’appelle. Fr  m’appelle. J’ai un sms de Ch  après. Je regarde les réseaux.  Je bois un dernier verre d’eau. Je me couche vers 23H45, minuit…

Le confinement ça va.

L’inquiétude étant l’après. Comment circuler avec précaution. Je n’ai toujours pas de masque véritable, une visière de fortune… pas de gel. 

Je voudrais m’échapper. Parfois la nuit je me réveille et je suis dans mes pensées intérieures, je mets un temps pour revenir à la réalité. Et je me dis: ah oui c’est vrai c’est le confinement. La menace est à l’extérieur.

Je voudrais acheter une petite maison. Ne plus avoir la proximité de l’immeuble. Je voudrais revoir mes priorités. Reprendre le contrôle de mon poids et de ma santé. M’assurer d’avoir des objets utiles autour de moi. Acquérir de l’autonomie vis à vis de la consommation. Avoir une sorte de jardin. Des placards et un congélateur, une machine à pain, … c’est bête…

J'AI EU 48 ANS LE 12 AVRIL 2020
JE SUIS CONTENTE D'ÊTRE ARRIVÉE JUSQUE LÀ.